QUAND LA MODE DE PARIS EFFACE LES FEMMES

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Cette saison, la Fashion Week de Paris a offert un spectacle d’une beauté parfois glaciale, des silhouettes enfermées, des visages dissimulés sous des tulles opaques, des bâillons « Écarteur de bouche » en métal ou des corps réduits à des volumes informes, des femmes transformées avec un sexe d’homme, ainsi que des armures bondage en énigme. L’innovation, sans doute. L’art, peut-être. Mais pour qui ? Et à quel prix ?

Sur les podiums, la féminité semblait muselée, confinée, niée. Les créateurs, fascinés par la déconstruction, ont redessiné la silhouette féminine jusqu’à la rendre méconnaissable. Autrefois, la mode promettait d’émanciper les femmes du corset. Aujourd’hui, elle invente de nouveaux outils de contrainte. Une femme réduite à un support visuel, surface d’expérimentation. La liberté de créer parait s’être retournée contre la liberté de bouger, de respirer, d’exister.

Bien sûr, il faut défendre la provocation artistique, la volonté de questionner le corps et ses représentations. Mais, lorsque l’on quitte le défilé avec le sentiment d’avoir vu des femmes effacées derrière des structures, des voiles, des masques, la question devient inévitable : à qui parle encore la mode féminine ?

Les podiums se veulent les vitrines du progrès, mais ils révèlent souvent les angoisses de notre époque : peur du désir, peur du regard, peur du féminin lui-même. Le vêtement devient alors carapace, bunker ou simulacre. Dans ce théâtre de formes et d’étoffes, la femme réelle s’efface, engloutie par le concept. Et pendant que la mode occidentale prétend libérer le corps, ailleurs en Afrique, en Afghanistan, des femmes sont encore excisées, voilées, enfermées. Le contraste est saisissant : là où l’on prétend déconstruire l’image de la femme, d’autres luttent simplement pour exister.

Peut-être la mode cherche-t-elle à dire quelque chose de notre époque : la perte de repères, l’angoisse identitaire, la tentation de se cacher. Mais alors, il faudrait l’assumer. Car la beauté, même expérimentale, ne devrait pas nier celle qui la porte. À la fin du défilé, quand les mannequins quittent la scène et que les projecteurs s’éteignent, il reste une question en suspens : la mode féminine est-elle encore faite pour les femmes ou contre elles ?

FM