LIKE ME TENDER OU HASHTAG MOI
Elle s’appelait Séréna-Lou, un prénom à deux tirets, comme deux jambes sur un podium. Ce matin-là, elle était épuisée. Pas à cause d’un défilé, me dit-elle, non à cause de son selfie-stick qui s’était effondré sous le poids de son ego (et du dernier filtre Dior Light 3000).
Assise à côté de moi, à la collection de Valentino, elle arriva avec son café cappuccino, qui coûte le prix d’un sac Zara édition limitée, qu’elle sirotait, et me dit, en montrant le gobelet, un matcha sans matcha (concept expérimental du moment). Elle attendait que quelqu’un la reconnaisse, et comme toute bonne poseuse, elle minaudait. J’ai toujours aimé qu’une cruche soit bonne aussi qu’une bonne soit cruche.
Autour d’elle, tout le monde prétendait travailler sur un “projet artistique” : en réalité, personne n’avait ouvert son portable, car seule la lumière des écrans leur servaient à réfléchir la lumière de leurs nouveaux bijoux prêtés par les marques.
Séréna-Lou portait un trench transparent (parce que “la pudeur, c’est has been”) et des lunettes si grandes qu’on aurait cru qu’elle fuyait Interpol. Son téléphone vibra comme un vieux gode « Michel. »
— “Babe, t’es-où ? Elle répondit avec nonchalance : “Je médite sur ma visibilité.” Puis, elle fit un réel de quinze secondes : une gorgée de faux matcha, un regard pensif vers une cagole inconnue : son post fit 12 000 likes en 10 minutes. Elle soupira et me dit : “C’est fou comme les gens adorent la profondeur.”
Cette jeune bimbo de comptoir Ricard, tout en féminité provocante, incarnait à merveille le stéréotype décrit par le Petit Robert, sauf que les seuls « Robert » qu’elle connaissait, c’étaient les siens.
À la fin du show, elle se leva, ajusta son trench invisible, et me quitta en veillant à marcher très lentement pour que j’apprécie son séant, mais surtout pour être sûre qu’un photographe la confonde avec quelqu’un d’important. En rentrant chez moi, j’ai vidé les poches de ma veste, et j’ai trouvé une carte de visite avec un numéro de téléphone. Elle empestait ce parfum qui m’avait déjà ruiné les narines chez Valentino — j’ai donc tout de suite reconnu à qui appartenait ce numéro. La suite est personnelle, et serait sans doute censurée par les puritains bien-pensants de Facebook. Je vous laisse imaginer. Ah, j’allais oublier : le prix était exorbitant !
FM