DIANE LA GRÂCE DES JOURS SINGULIERS
Il est des êtres dont le vêtement devient le reflet de l’âme, et Diane Keaton, chaque étoffe portée, semblait recueillir un peu de sa pensée, chaque accessoire, un frémissement de son esprit libre. C’était un style bien à elle, large chapeau posé comme un diadème de défi, lunettes qui filtraient la lumière du monde, gilets ou cols roulés serrant la grâce discrète d’un cou de femme, cravates ou foulards glissés non pour séduire, mais pour signifier l’indépendance. Le pantalon à plis, ample comme une respiration, s’accordait à la veste, parfois en tweed, parfois en velours ; et dans ce mélange d’audace et de mesure, elle avait trouvé sa vérité.
On parla du « style Annie Hall ». On se trompait. Ce n’était point un rôle, mais une révélation : le « style Diane Keaton ». Dès son apparition dans le film de Woody Allen, ce langage de vêtements devint une signature éternelle, et la consacra icône. On lui remit un Oscar, comme on décerne à une muse la couronne due à son éclat, mais déjà, l’hommage semblait en deçà de ce qu’elle incarnait : la liberté d’être soi.
Cinquante années passèrent, et la mode, comme un fleuve, changeait de cours ; mais Diane demeurait fidèle à son rivage. Les créateurs, souvent, vinrent y puiser, copiant ses lignes, imitant sa lumière. Sur les tapis rouges, on la voyait encore, silhouette claire et volontaire, vêtue tantôt d’un tailleur masculin, tantôt d’une robe ample ceinte d’une large ceinture, comme si elle eût voulu rappeler que l’élégance est d’abord un serment intérieur.
On la vit, l’an passé, prêter sa grâce aux défilés : celui de Ralph Lauren à New York, celui de Thom Browne à Paris, où son allure paraissait bénir la création contemporaine d’un regard bienveillant. À soixante-dix-neuf ans, elle portait toujours le feu tranquille des commencements.
Interrogée sur son art de se vêtir, elle répondit simplement, avec cette clarté que seuls les esprits sincères possèdent : « Je porte ce que j’aime. J’aime toujours les cols roulés, les chapeaux et les vestes. Je crois que je porte plus que jamais des tailleurs au quotidien. Et puis… une ceinture large. »
Mais, l’univers de Diane s’étendait au-delà du vêtement. Elle prêta sa vision à la maison, aux objets du quotidien, à la lumière qui s’y dépose. En 2024, elle s’associa à la marque californienne Hudson Grace pour créer une collection d’arts de la table et de linge de lit, où régnaient ses deux teintes fétiches : le noir et le blanc, comme les deux pôles d’une existence sans fard.
Ainsi vécut Diane Keaton : entre l’ombre et la lumière, fidèle à elle-même, à la fois muse et bâtisseuse, poétesse du vêtement et architecte du quotidien. Et quand vint la fin, douce comme la fermeture d’un livre longtemps ouvert, il sembla que le monde perdait moins une actrice qu’une manière d’être : celle d’un esprit libre, vêtu de vérité. Je me souviendrai jusqu’à ma mort de notre rencontre à Santa Ana, il y a longtemps maintenant, je t’embrasse François, the Frog.
FM