MERYLL ROGGE PRIX LVMH 2022
Madame prix LVMH 2022, Meryll Rogge ou la saison du cœur… visiblement en rupture de stock cette année. Car vouloir superposer toutes ces choses, toutes ces expériences, on se retrouve face à une mosaïque d’existences cousues à la hâte, comme si mille femmes s’étaient prêtées la même peau sans jamais se la rendre. « Des indécentes de lit probablement ». L’éclectisme devient tempête, et la cohérence une île perdue dans le brouillard embaumé d’un Elzévir.
Une pseudo-robe de mariée, déposée au milieu comme un monument, n’évoque pas l’amour, mais son épilogue amer ; elle porte, au lieu d’un voile, la poussière d’un divorce annoncé. Loin des miracles et des roses jaunes, c’est une cérémonie dans laquelle on jette non pas du « riz Volant », mais les restes d’un romantisme usés.
Et que dire de ces gilets de grand-mère, de ces jeans effrangés, de ces manteaux soufflés par le vent de la lande écossaise ? On dirait que la mode a oublié sa promesse de rêve pour se réfugier dans le grenier de la désillusion. Même les robes longues y semblent gênées d’être belles, comme si le mot « glamour » s’était exilé dans un autre siècle, ou dans le bureau du Marant.
Ah, mais il y eut aussi ce moment punk, cette insurrection textile où l’on découpe, dénoue, retravaille le banal pour en faire un cri. Peut-être là, seulement un sursaut de vie : le geste d’une femme qui, refusant le vernis, taille dans la toile de son passé sous médicament.
Et les accessoires ! Ces chaussures bateaux montant jusqu’aux genoux, ces bijoux d’insoumission forgés par Wouters & Hendricks, tout cela sonne comme les reliques d’un amour naufragé. Gabriel aurait dit que la mode est un sortilège qui se défait dès qu’on le comprend, mais la belle aurait disparu en plein essayage, emportée par le vent du trop-vide.
Car au fond, cette collection n’est ni un poème ni un pamphlet, mais une chronique d’un désenchantement annoncé, un réalisme magique privé de magie, en un mot une disciple du prix de la Dame du Châtelet et du Costes réunis, qui abuse de la permission qu’ont les gens d’esprit d’être laids.
FM