SACAI LES FILS INACHEVÉS DU PRINTEMPS

Non classé

Dans sa demeure parisienne où respire le silence, Chitose Abe a entrouvert les portes du printemps. Un souffle doux, venu d’Orient, s’y est glissé, et les étoffes, dociles à sa main, ont pris vie. Les ensembles de jean ont emprunté la tendresse du vent, les t-shirts, la légèreté des songes. Un simple débardeur, prière de coton, s’est orné de jais, comme si la nuit elle-même s’était posée sur l’aube.

Devant, la raison calme, pure, presque japonaise, derrière l’inattendu, la fête secrète du crépuscule se fait sienne, les vestes, telles des âmes en mouvement, dansent ; leurs épaules d’audace portent le monde, et leurs fils suspendus tracent, dans l’air, les constellations d’une couture inachevée.

Les robes, courtes comme des promesses, mêlent la rigueur du réel au mirage du rêve ; la mousseline y caresse le métal, et Naomi, passant dans ce monde nouveau, resplendit comme une étoile portant son propre ciel.

Dans ce dialogue de formes et de songes, Abe redéfinit le classique, le pli, le charme, le transfigure. Le blazer masculin s’y fait douceur féminine, le pantalon, seconde peau de lumière. Coton et cachemire s’y étreignent dans une paix fragile, et si l’élégance du tailleur refuse le repos du geste, qu’importe, la grâce naît du mouvement.

Les manches s’envolent, pareilles à des ailes d’été, portant avec elles un souffle d’azur. Ainsi l’asymétrie respire : elle donne au vêtement le désordre sacré du vivant, l’irrégularité d’une beauté qui s’ignore encore.

Alors, dans cet univers où le tissu songe et où le corps médite, le vêtement devient demeure, et le fil parole. Dans le mot home, Abe a glissé la course du cœur, le « home run » du rêve, comme un dernier élan vers l’éternel printemps.

FM