POURQUOI BUGATTI CHIRON ?
Louis Chiron, voilà un nom qui devrait claquer comme un champagne millésimé du seigneur des Arnault. Né à Monaco en 1899, il aurait dû, par essence, être l’égérie éternelle des milliardaires en mocassins à glands. Car enfin, quel paradoxe ! Aujourd’hui, la voiture la plus chère au monde porte son nom, la Bugatti Chiron et pourtant, dans les dîners de la jet-set, personne ne sait qui était ce Monsieur. Demandez autour de la table : « Chiron ? » Réponse la plus fréquente : « Ah oui, le whisky japonais, non ? »
Cependant, le Monégasque était tout sauf un figurant. Pilote avant-guerre, il a couru pour les marques les plus prestigieuses, de Bugatti à Mercedes en passant par Alfa Romeo. En 1931, il remporte le Grand Prix de Monaco : imaginez, gagner chez lui, au pays où même les feux rouges sont en marbre. Mais malgré son talent, il n’a jamais gagné Le Mans… peut-être parce que rouler toute une nuit sans caviar ni champagne, c’était au-dessus de ses forces.
Dans les années 1930, il fait partie d’une génération de pilotes qui jouaient leur vie à chaque virage. Chiron, lui, avait surtout le chic de durer. Dix-huit victoires sur Bugatti, quatorze Grands Prix au total et une carrière qui s’étire jusqu’à ses 56 ans en monoplace, 59 ans en course de côte. De nos jours, à cet âge-là, un milliardaire change de troisième épouse ; Chiron, lui, changeait juste de pneus.
Et pourtant, malgré ce parcours, il reste dans l’ombre. Le monde du luxe adore exhiber la Bugatti Chiron comme un trophée, mais ignore souverainement l’homme derrière le nom. Comme si Hermès avait oublié qu’il y eut un cheval. Comme si Cartier avait perdu de vue que Louis, Alfred et Pierre n’étaient que des logos. Louis Chiron s’est éteint à Monaco en 1979, presque octogénaire, en laissant une carrière immense… et la promesse que, dans cinquante ans, on confondrait encore son patronyme avec un modèle de bolide pour milliardaires pressés.
Dans le luxe, on n’aime pas les hommes, on n’aime que les logos. Et Louis Chiron, lui, a eu le malheur d’être les deux à la fois.
FM