CHANEL ORFÈVRE SANS MUSE

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J’ai une impression paradoxale : à la fois familière et étrangement figée. Les vestes aux coupes rigides, les accumulations décoratives écrasant des étoffes légères, les robes saturées de technicité jusqu’à en perdre leur grâce, tout cela donnait à la collection un vernis artisanal, mais privé d’élan poétique. Peu importe le nombre d’heures passées à assembler une pièce, si l’on peine à en saisir le propos ou à imaginer celle qui la portera.

Chanel demeure un monument de la couture, soutenue par des décennies de savoir-faire, d’histoire et de figures emblématiques. Mais, depuis le départ discret de Virginie Viard, et tandis que l’ombre imposante de Karl Lagerfeld plane encore sur la maison, cette présentation avait le goût d’une mécanique privée d’âme. L’atelier peut perpétuer les gestes, mais il ne peut inventer une vision. Or, la Haute Couture ne vit que par elle même.

Certes, CHANEL reste avant tout une puissance commerciale, et ses clientes ne choisissent pas leurs robes au gré des tendances Instagram. Mais, penser que la solidité financière suffit à maintenir le désir serait une erreur stratégique. L’histoire du luxe est jalonnée de marques, jadis intouchables, qui ont trébuché faute d’avoir su se réinventer. Il serait peut-être temps de regarder du côté de KERING, où GUCCI s’efforce encore de retrouver sa voie.

Autrefois, symbole d’émancipation, le tailleur en tweed est désormais figé dans une nostalgie convenue, à moins qu’une approche audacieuse ne vienne le sortir de sa torpeur patrimoniale. Soyons honnêtes : ce dernier défilé n’a pas sombré dans le fiasco, mais il n’a pas non plus marqué les esprits. Il laissait plutôt l’impression d’un exercice convenu, d’un interlude élégant sans véritable prise de risque.

Les regards se tournent dorénavant vers septembre, moment clé où l’on s’attend à voir Mathieu Blazy, auréolé de son travail brillant chez Bottega Veneta, gravir les marches de la maison de Coco. Toute la question reste de savoir s’il saura, ou voudra faire voler en éclats les conventions pour réveiller une maison qui, pour l’instant, semble avancer en mode automatique comme un cénacle endormi.

FM