LA PALATINE VOUS CONNAISSEZ ?
Élisabeth-Charlotte de Bavière, dite La Palatine ! Dans cette cour corsetée, pleine de minauderies et d’intrigues nauséabondes, elle faisait figure d’orage tonitruant. Là où d’autres composaient leur sourire comme on compose un poison, elle, sans fard ni flatterie, disait ce qu’elle pensait, au risque de choquer ces petits esprits amidonnés.
Imaginez cette Allemande massive, en bottines solides, débarquant à Versailles parmi les volants de dentelle et les perruques poudrées. Une Demi-mondaine ? Non, pire et mieux : une femme libre, sans hypocrisie, sans artifice, qui ne vendait ni son corps ni son âme, mais offrait son esprit brut, râpeux, sincère. Là où les Demi-mondaines trafiquaient leur charme contre des faveurs, La Palatine — elle — marchandait avec la vérité, brutale, entière, insoumise.
Elle fumait, elle buvait, elle pestait contre la corruption et le faux-semblant. Elle écrivait des lettres d’une drôlerie acide, véritables gifles aux prétentions de la noblesse française. À l’heure où il fallait plaire pour survivre, elle choisissait de penser. Et penser libre, à Versailles, c’était être plus scandaleuse qu’une catin de la cour des miracles.
Alors oui, ses manières heurtaient, son franc-parler hérissait, son allure rustique détonnait… Mais quelle vitalité dans cette Palatine ? Quelle insolence magnifique ! Elle n’était pas là pour séduire ; elle était là pour être. Et c’est précisément ce que tant de jeunes femmes d’aujourd’hui revendiquent encore : exister par elles-mêmes, loin des assignations, des silences imposés, et des rôles écrits à l’avance.
À la cour de Versailles, sous Louis XIV notamment, l’hygiène n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, et pour cette allemande, c’était vraiment terrible. Le château, magnifique vitrine du pouvoir royal, n’avait pourtant pas de vraies installations sanitaires. Les courtisans, avec leurs immenses perruques et leurs brocarts étincelants, vivaient en permanence dans une promiscuité incroyable… et parfois peu ragoûtante.
Faute de toilettes, on faisait souvent ses besoins là où l’on pouvait : dans les escaliers, dans les couloirs, dans les jardins… et même, plus discrètement, derrière les rideaux ou dans les cheminées éteintes. Ce n’était pas considéré comme une grande faute : un valet pouvait ensuite passer avec un seau pour nettoyer (quand on pensait à appeler quelqu’un).
Face à cette situation assez insoutenable pour les nez sensibles, le parfum est devenu une arme de survie autant qu’un art. Les courtisans, hommes comme femmes, se vaporisaient copieusement d’eaux parfumées, de poudres aromatiques et de sachets d’herbes. Les salles étaient également encensées, et les éventails, toujours à portée de main, servaient autant à chasser les mauvaises odeurs qu’à séduire.
On raconte même que certains courtisans portaient de petits bouquets de fleurs sous le nez (les fameux « pomanders ») ou des mouchoirs trempés de vinaigre parfumé pour éviter d’être trop incommodés.
Bref, le faste de Versailles brillait de mille feux… mais il fallait souvent fermer les yeux et surtout le nez pour ne pas en voir l’envers !
C’est « l’Eau de la Reine de Hongrie », l’un des plus anciens parfums alcooliques connus (datant du XIVᵉ siècle, mais encore en vogue à Versailles). C’était une sorte d’eau de toilette à base de romarin macéré dans de l’alcool, parfois agrémentée de lavande et de thym. On s’en frictionnait généreusement tout le corps.
Ensuite, il y avait « le vinaigre des quatre voleurs », un mélange de vinaigre et de plantes aromatiques (lavande, menthe, sauge, clou de girofle…). Selon la légende, des voleurs l’utilisaient pour se protéger des épidémies pendant la peste. À Versailles, on en imbibait des mouchoirs pour « nettoyer » l’air qu’on respirait.
Un autre incontournable : l’eau de fleur d’oranger. Louis XIV adorait son odeur fraîche et délicate. On raconte qu’il se parfumait tellement à la fleur d’oranger que son odeur flottait autour de lui comme une aura permanente. D’ailleurs, il exigeait qu’on parfume aussi ses gants, ses vêtements, et même ses meubles à la fleur d’oranger.
Enfin, certains courtisans raffinaient tant qu’ils faisaient parfumer l’intérieur de leurs perruques directement sur la poudre blanche pour créer un « nuage » parfumé autour de leur tête. Une façon d’avoir toujours une petite barrière olfactive entre soi et les mauvaises surprises du quotidien. La Palatine, quant à elle, allemande de Bavière n’en croyait pas son odorat. Quelques années plus tard, quand Marie de Rabutin-Chantal (Marquise de Sévigné) revint à Versailles, expurgé de ses courtisans, elle ne reconnut pas le lieu, car les odeurs étaient parties avec la Révolution.
FM
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