DIOR VILLE OUVERTE SUR ROME
Maria Grazia Chiuri, grande prêtresse du minimalisme maximal, a décidé de jouer à domicile pour sa collection croisière. Dix ans après avoir fait vibrer Rome de son téléphone portable, elle revient avec « Mirabilia Romae ». Rome, ville ouverte ou comment essayer de surpasser un moment de gloire vieux d’une décennie, dans une ville qui a vu passer Jules César, Fellini et le scooter de Vacances romaines.
Pour une présentation à la Villa Albani Torlonia, qui est une transition entre le style baroque et le néoclassicisme, Gracia, en version péplum sous LSD, nous plonge dans une brume artificielle si épaisse qu’on aurait cru voir apparaître Russell Crowe en jupette, cherchant encore son gladiateur intérieur. Une pluie fine s’est invitée, pile au moment du début du show, comme si les couturiers disparus pleuraient de tristesse dès le début du spectacle.
Mais Chiuri, en habile dompteuse de symboles, a transformé l’humidité ambiante en argument de style : « C’est Rome qui pleure de beauté », aurait-elle soufflé en backstage, que diffusaient allègrement les attachées de peste dans l’assistance.
Savant mélange entre vestales en grève et guerrières en congé sabbatique, des robes brodées jusqu’à l’épuisement et des capes qui feraient passer le Pape pour un béotien. Les mannequins défilaient comme si elles portaient l’héritage de l’Empire romain sur les épaules. Comme un hommage à l’héritage, au pouvoir féminin, à Rome, à la mode, à la météo, à Cinecittà, à la beauté tragique d’un espresso mal dosé pour un américain. Bref, à tout ce qui peut justifier un budget de superproduction. Entre les regards hautains, les poses millimétrées et les sacs minuscules tenus comme des reliques, on ne savait plus si c’était un défilé ou une réunion du Sénat impérial en version Botox & Prada, ou un appel à des broute-minous en mal de copines.
Dior à Rome, c’est un peu comme un film de Visconti somptueux, baroque, légèrement absurde, mais impossible à détourner du regard. Maria Grazia, mission accomplie, Rome n’a pas été conquise, mais juste anesthésiée par l’ennui.
FM