CÉLINE UN TABLEUR NOMMÉ DÉSIR
Hier soir, à Paris, tandis que certains griffonnaient encore des aphorismes sur « l’audace créative » et « l’esprit couture », Hael Rider, lui, livrait sa vision bien plus pragmatique du style : celle d’un tableau Excel de circonstance pour flatter le Seigneur. Oubliez l’introspection stylistique. Ici, on parle de paniers moyens, de taux de conversion et de sell-through.
Installé à la tête de CELINE, Rider n’a pas cherché à invoquer les fantômes d’Hedi Slimane, ni à murmurer à l’oreille des disciples de Phoebe Philo. Non, il a préféré faire ce que tout bon ex-directeur artistique de Ralph Lauren ferait : vendre. Mais, certainement pas une vision ou un idéal abstrait, sa vision, c’est vendre, littéralement, des sacs, des lunettes, des boots, du tangible et du rentable.
Les rois du « Deals » lui ont appris une vérité simple que l’Europe feint encore d’ignorer : dans la mode, ce n’est pas le designer qui a le dernier mot, c’est le directeur commercial du corner Bloomingdale’s à Long Island. Là-bas, un défilé ne se termine pas sur un salut pudique, mais sur un point de marge. Ainsi Rider applique cette leçon avec brio pour un concentré de best-sellers potentiels, calibrés pour les rails des boutiques et les « feeds » TikTok, ces nouveaux podiums où l’algorithme est plus puissant que n’importe quelle critique du New York Times ou de Canal-luxe, ne vous déplaise.
Alors oui, les puristes pleureront l’audace perdue, mais pendant qu’ils débattent sur le degré de subversion d’une jupe en cuir ras-la-moule, les acheteurs finalisent leurs commandes en se frottant les mains. Est-ce révolutionnaire ? Certainement pas. Est-ce efficace ? Plus qu’un « Happy Meal » de capsules Balenciaga sur TikTok.
La vraie question est peut-être ailleurs : dans un monde où vendre du luxe est devenu un sport d’endurance, Rider ne fait-il pas preuve, à sa manière, d’un pragmatisme ultra-contemporain, car pour le luxe aujourd’hui, jouer la sécurité, c’est peut-être ça, oser, et tant pis pour les poètes.
FM