MAIS POURQUOI KERING CÈDE SES PARFUMS ?

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La création, la production et la distribution de parfums relèvent d’un modèle industriel radicalement différent de celui de la mode ou de la maroquinerie. Il faut disposer d’infrastructures logistiques mondiales, de laboratoires, d’un réseau de distribution massif et de capacités marketing adaptées au mass market du luxe. L’Oréal, leader mondial de la beauté, maîtrise ce modèle à la perfection, alors que Kering, historiquement centré sur la mode, ne dispose pas de cette puissance d’exécution. Céder ou concéder des licences à L’Oréal, c’est s’appuyer sur un acteur plus compétent pour faire croître plus vite les marques.

En vendant « Creed » et en cédant ses licences beauté pour 4 milliards d’euros, Kering récupère immédiatement des liquidités considérables. Ces fonds lui permettent de réinvestir dans ses maisons de mode, notamment Gucci ou Balenciaga, qui ont connu des difficultés récentes et de financer leur repositionnement créatif et commercial. Autrement dit, plutôt que d’attendre des revenus progressifs issus du parfum, Kering préfère réallouer le capital vers ses priorités stratégiques.

Le marché mondial des parfums (plus de 62 milliards de dollars) est très fragmenté. Se distinguer exige des investissements marketing colossaux et une innovation continue dans un environnement dans lequel les marges s’érodent. Pour un groupe comme Kering, les efforts nécessaires pour exister durablement face à L’Oréal, Estée Lauder ou Coty ne se justifient plus économiquement. Il est donc plus rationnel de monétiser ses licences et de laisser les géants du secteur batailler entre eux.

Sous la direction de Luca de Meo, Kering cherche à clarifier son identité stratégique. Le groupe semble vouloir se concentrer sur ce qu’il fait le mieux : la mode, la maroquinerie et les accessoires haut de gamme. Abandonner les branches non essentielles comme la beauté ou les lunettes s’inscrit dans une logique de simplification et de recentrage, pour retrouver une performance durable, fondée sur la créativité et l’exclusivité, plutôt que sur la diversification.

Finalement, une alliance bien structurée peut être plus rentable qu’une possession directe. Enfin, céder ne veut pas dire renoncer. Grâce aux licences exclusives de 50 ans, Kering continuera à percevoir des redevances sur ses marques de beauté, tout en confiant les coûts et les risques opérationnels à L’Oréal. C’est une approche hybride qui combine rentabilité récurrente et désengagement industriel. En somme, Kering garde la valeur symbolique et financière de ses marques, tout en laissant le soin à un partenaire expert d’en maximiser le potentiel.

FM