LE LAIT DE VERMEER AU TEMPS VALLI

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En parcourant Instagram, on s’expose aux hasards de l’époque : d’un côté, la publicité criarde d’une influenceuse à gros séant qui vend son soda protéiné, de l’autre, le visage creusé d’un enfant famélique dans un camp aux confins du monde. Et puis parfois, comme une oasis dans le désert numérique, l’algorithme se souvient que nous avons une âme. Il dépose sur l’écran l’éclat silencieux d’un Vermeer animé par une IA : la laitière verse à l’infini son filet de lait, et dans ce geste se loge une tendresse intemporelle.

Giambattista Valli a trouvé là sa planche de salut. Quand le vacarme du monde assaille, les maîtres hollandais rappellent que la vie peut se tenir dans une lumière oblique, sur un plan de table, entre une cruche et une miche de pain. Cette humilité a fécondé sa collection de printemps.

À Paris, dans le calme feutré de son siège, les invités ont pris place : Kathy Hilton et sa fille Nicky Rothschild, habituées des projecteurs, se sont assises face à des socles miroitants chargés de fleurs et de fruits sortis d’un grenier flamand, transposées à l’époque des hashtags.

Les premières silhouettes ont surgi comme les pages d’un missel : lin épais, dentelle pure, étoffes sur lesquelles des natures mortes semblaient avoir pris racine du Christophe Josse d’autrefois. Les robes de fée clochette avaient la courbure de certains paniers paysans, portés avec grâce pour de fraîche apparition. Le violet d’un organza rappelait celui des ciels d’elfes, et les taffetas vert moutarde murmuraient que le hasard est occasionnellement complice de la beauté.

Le créateur, fidèle à son amour des fleurs, avait peuplé ses robes de corolles peintes à la main, et même les sacs se prenaient pour des bijoux incrustés, comme si l’Eden avait retrouvé ses accessoires. « Ce n’est pas une question d’esthétique, me confia Valli en coulisses. C’est un moment de paix, un rêve. Ma façon d’offrir une caresse à l’âme. »

Et l’on se dit, en quittant le lieu, que dans ce monde saturé d’images et de tumulte, il reste possible de suspendre le temps avec un peu de dentelle, un éclat de miroir, et le souvenir qu’un jour, quelque part, une femme verserait du lait dans le silence de ma chambre à coucher.

FM