HAUTE COUTURE LE GRAND EFFILOCHAGE FINAL
La Semaine de la Couture parisienne s’annonce aussi consistante qu’un menu dégustation chez un chef ayurvédique : deux bouchées d’exception, et puis plus rien. À l’affiche de ces défilés fantômes : la dernière messe noire de Demna pour Balenciaga et une nouvelle pour Gucci suivie du premier acte rituel de Glenn Martens chez Maison Margiela ; deux blockbusters dans une salle vide d’esprit, un peu comme si Cannes n’avait projeté que deux films et fermé le rideau.
Le calendrier publié lundi par la très sérieuse Fédération de la Haute Couture et de la Mole (on imagine une réunion pleine de regards graves, de gants blancs et de silence pesant) confirme ce que tout le monde redoutait : la couture est en train de se faire la malle. Et pas une belle malle Goyard, brodée main, mais, une valise cabine type easyJet.
Dior, vénérable pilier de la discipline, a déclaré forfait. Officiellement, c’est pour laisser Jonathan Anderson s’installer à la direction artistique. Officieusement, c’est peut-être que plus personne ne veut se battre avec des tulles en juillet. Maria Grazia Chiuri a tiré sa révérence à Rome, en envoyant 31 looks de grandes robes au Panthéon qui n’iront nulle part. Elle s’efface doucement, car désormais, c’est « le Seigneur qui choisit » ; comprenez : Bernard Arnault ou sa fille, la Dame du châtelet, Dieu est mort, vive le PDG.
Jean-Paul Gaultier, de son côté, a mis le champagne au frais et suspendu les expérimentations couture. Fini le bal des créateurs invités, on passe à Duran Lantink, un nom qui évoque autant la laine que la techno. Le lauréat du prix Woolmark prépare tranquillement une collection de prêt-à-porter pour septembre, puis la haute couture pour janvier, parce qu’il faut bien occuper les mois creux.
Et le reste du calendrier ? Un champ de ruines. On imagine des mannequins déambulant seuls dans les couloirs vides de la Chambre et des couturières jouant au tarot avec des épingles, et des attachées de presse rédigeant des communiqués pour des shows qui n’auront pas lieu.
Oui, la haute couture est toujours vivante. Mais, on l’entend tousser. Son pouls est lent. Elle attend peut-être la prochaine réincarnation : en NFT, en hologramme, ou en collection capsule pour le Métavers sous perfusion de l’AI. D’ici là, la semaine de la Couture ressemble de plus en plus à une élégante procession funéraire, avec des fleurs en organza, bien sûr. Merci Monsieur Grumler et Monsieur Marrant pour ce spectacle affligeant en perspective.
FM