JE VOULAIS VIVRE UN ROMAN MORT
Décidément, la littérature française adore ses fantômes, surtout lorsqu’ils rapportent. Après Dumas, ressuscité par le marketing politique d’un Sarkozy ému, voici qu’Adélaïde de Clermont-Tonnerre s’arroge le privilège d’exhumer Milady de Winter pour la rhabiller à la mode contemporaine. Mais, quelle lourdeur, quel contresens ! Je voulais vivre s’annonce comme une relecture audacieuse, une réhabilitation du personnage, et n’accouche finalement que d’un pastiche empesé, d’un roman corseté dans une ambition de grandeur qu’elle ne maîtrisera jamais, « Comme un crapaud qui voudrait être une vipère ».
À force de vouloir rivaliser avec Dumas, Clermont-Tonnerre s’égare dans une prose qui se voudrait flamboyante, mais n’est que pesante. Chaque phrase semble lestée de références, chaque page alourdie d’un vernis « littéraire » qui sonne creux. On sent l’effort, on entend presque le froissement des soieries d’époque, mais sans l’élan, sans le panache, sans cette vitalité romanesque que Dumas dispensait avec naturel.
Et que dire de Milady ? Cette figure, machiavélique, ambivalente, fascinante chez Dumas, devient ici une héroïne de papier glacé, une sorte d’icône féministe réchauffée à la sauce Nabilla Vergara, une mondaine, vidée de son mystère et de sa dangerosité. La journaliste croyait sans doute offrir à Milady une seconde vie, elle lui offre une caricature et un miroir sans âme.
On sort de ce roman comme d’un bal trop long : ébloui un instant par le clinquant, mais las du manque d’esprit. La modernité affichée n’est qu’un maquillage, et l’hommage à Dumas tourne à la contrefaçon. À vouloir donner du souffle à Milady, Clermont-Tonnerre l’étouffe sous le poids de sa propre ambition, car son point de vue et ses images du monde s’arrêtent au 16ᵉ arrondissement.
FM
