QUAND LES BOUGIES VEULENT DEVENIR PARFUMEURS
Il fut un temps où on parfumait son salon à la figue de Barbarie ou au bois d’ambre, pour se sentir chic, presque florentin. Mais, voilà qu’aujourd’hui, le simple diffuseur ne suffit plus : les marchands de cire veulent désormais tutoyer le Jasmin, le Galbanum et la Jacinthe.
Le Dr. Vranjes Firenze, qu’il faut dorénavant appeler Vranjes Firenze car “Dr.” ayant été renvoyé dans les oubliettes de la communication, sans doute trop universitaire pour un storytelling globalisé. Le message est clair, moins de laboratoires, plus de Lifestyle. Ainsi le fondateur, Paolo Vranjes, chimiste et nez de métier, cède la place à la grande mécanique marketing du groupe de l’Autrichien Reinold Geiger, qui a déboursé 150 millions d’euros pour transformer un vendeur de bougies florentin en “maison de parfums internationale”.
On parle ici d’une métamorphose quasiment biblique : la cire devient essence, le bâtonnet d’ambre se réinvente en flacon de prestige. Le PDG, Giuseppe Colotto, prophétise déjà “une croissance à deux chiffres” et “l’extension du réseau international” bref, la liturgie habituelle du corporate parfumé. Les rideaux ont à peine fini de sécher que déjà on nous annonce “une collection d’eaux de parfum” et “une gamme de soins pour les mains”. Parce qu’évidemment, tout commence par un diffuseur et finit par un rituel beauté.
Et comme tout apôtre du bien-être global, Vranjes s’est offert une conversion technologique : 51 % de Integra Fragrances, société spécialisée dans la diffusion d’odeurs via les systèmes de climatisation. Oui, vous avez bien lu. Le futur sentira le cuir et le musc, dans vos conduits d’air conditionné. Florence inventa la Renaissance, Vranjes invente le wellness ventilé.
Mais, la palme du symbole revient à leur collaboration avec The Bridge », marque florentine de maroquinerie. Ensemble, ils signent un diffuseur “Leather Oud” soit l’alliance parfaite du cuir et de la prétention. Le flacon s’habille d’un petit accessoire en cuir artisanal, comme si même votre parfum devait désormais voyager en business class.
La vérité, c’est qu’à force de vouloir être “maison de parfums”, nos vendeurs de bougies finissent par sentir la stratégie. On ne respire plus la passion du nez, mais l’ambition du business plan. Et dans le grand théâtre du luxe, le parfum n’est plus une émotion, c’est un KPI. (Key Performance Indicator).
FM
