DÉFILÉ SUR L’EAU DU MONDE D’OWENS

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Le cortège d’Owensgroupises sagement en file indienne, attendant leur oracle, et lui, fidèle à sa singularité farouche, ses mannequins se sont avancés sur les eaux dormantes des bassins du Palais de Tokyo, comme une procession antique traversant un miroir d’azur. Figures hiératiques et drapées de hardiesses modernes, elles portaient des bottes pantalons si hautes qu’elles feraient pâlir la Burj Al Arab. Ainsi l’onde des jupes accueillait le vent des voiles pour naufragées.

La lingerie, dans l’imagination de cet artisan des ténèbres, se dépouille de toute frivolité pour s’ériger en emblème. Des capes de mousseline, aériennes comme des ailes de séraphins, s’opposaient aux robes taillées à la hache géométrique des cathédrales d’antan, avec des épaules métalliques semblables à l’armure du chevalier sur la Seine pendant les Jeux Olympiques.

Voilà donc cette sauvagerie splendide, qui distingue le poète, du simple artisan, pour une vision de robes brèves comme un souffle. Manteaux à traînes solennelles, vestes resserrées au col déployé dans l’ampleur d’un long manteau.

L’élégance, propre à Owens, dépouillée de tout éclat superflu, s’élevait dans la sobriété des teintes, dans la noblesse des matières, et rayonnait avec une majesté qu’aucun artifice ne pouvait étouffer. Car même les cataractes d’eau et de fumée, la musique grondante et les escaliers de pierre n’étaient que l’encadrement grandiose d’un spectacle qui brillait de sa seule essence.

Et tandis que s’achevait l’étoffe des formes, l’artiste rappelait son autre sanctuaire, son « Temple of Love » au Palais Galliera, comme si la mode, chez lui, ne pouvait jamais s’arracher aux vastes résonances du sacré.

FM