UNE GLACE PLACE VEMDÔME

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Quelle infamie ! le Ritz installe une ronde de glaces, tapas et cocktails sur la Place Vendôme, ce haut lieu de l’élégance française, emblème du Comité Colbert, joyau d’un Paris éternel qui se meurt à petit feu sous les assauts du commerce mondain et des caprices des puissants écolos qui roulent en V8.

Savent-ils que la Place Vendôme, ce n’est pas un square de province ni une arrière-cour d’hôtel pour jet-setteurs en quête de selfies estivaux. Pour moi, c’est plutôt un sanctuaire de la haute tradition française, et du luxe discret ainsi que du savoir-faire rare, et non le terrain de jeu d’un « concept food » temporaire aussi subtil qu’une carte postale « Made in China » de « Baise Pascal Marrant. » Pardon Blaise Pascal.

Une gifle donnée à la face même du raffinement, un caprice marketing déguisé en événement mondain. On ne vend pas des sandwichs briochés au pied de la colonne Vendôme, même si celui-ci est Club. Ici, autrefois, on servait les rois et les reines, nous voici désormais ravalés au rang de bimbos gloutonnent, friandes de toppings sophistiqués, de meringues ou de noisettes caramélisées comme leur cerveau !

Mais le plus indécent, c’est peut-être l’arrogance tranquille avec laquelle ces grands marchands s’introduisent dans le luxe, à la fortune aussi insondable que leurs ambitions, s’autorisant toutes les transgressions. Dans une époque troublée, où l’on parle plus de guerre que de paix, les marchands d’armes avancent masqué, en distribuant des glaces avec Kalash, pardon ganache avec pruneaux.

Et ainsi Eugénie, « grand-messe’ très honorée et grande prêtresse des fourneaux, couronnée de ses étoiles comme un général bardé de médailles, confondant cuisine et guerre sainte. On ne dîne pas chez elle : on assiste à une liturgie. Le menu, pardon, la partition, s’ouvre avec des intitulés aussi abscons que prétentieux : émulsion de topinambour en duel avec un coulis de betterave noire, souvenirs d’enfance revisités. Tout cela sur un doigt de mousse, mais surtout sur une assiette vide comme une promesse politique à 500 euros.

Nonobstant que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas un simple café d’été, c’est un symptôme, un signe que tout peut être mis en scène, détourné, marchandisé, même les pierres les plus nobles de notre capitale. Alors non, mille fois non : la Place Vendôme n’est pas une plage, et Paris n’est pas à vendre, même sous forme de coupe glacée.

FM