L’ÉLÉGANCE D’APPARAT SUR LE CADAVRE DE L’ÉTHIQUE
Loro Piana, cette maison que l’on disait irréprochable, vient de tomber du piédestal tissé à la main sur lequel le luxe aime tant s’asseoir. En Lombardie, ce ne sont pas des laines rares qu’on file, mais des illusions. Derrière la noblesse des matières, des ouvriers fantômes, non déclarés, au service d’un système de sous-traitance en cascade, aussi opaque du manteau de nuit sans lune du Marand.
La justice italienne a tranché : administration judiciaire pour douze mois. Le message est clair : on ne badine pas avec l’éthique, surtout quand des vestes revendues à 3.000 euros sont produites pour 100 misérables euros dans des ateliers clandestins.
Mais, l’affaire serait presque banale si elle ne touchait pas à l’un des joyaux les plus chéris du groupe LVMH, cet empire aux allures de Versailles contemporain dirigé d’une main gantée par le « Loup de Cachemire », dit le seigneur des Arnault. Derrière cette figure monarchique, tout de contrôle, d’image et d’ambition mondiale, s’étend un royaume cousu d’or, mais parfois teinté de silence et de compromissions.
Car Loro Piana n’habille pas que les riches en quête de discrétion. Elle habille aussi Vladimir Poutine, le tsar des temps modernes, dont les goûts vestimentaires, manteaux en doudoune et vestes sur-mesure, ont trouvé refuge dans les salons feutrés de la maison. Le meilleur fournisseur de Poutine n’est donc ni un oligarque ni un tailleur moscovite, mais une filiale bien italienne d’un groupe bien français. Cherchez l’erreur.
Les 5.000 audits brandis par LVMH ? Un rideau de fumée. Une tapisserie d’excuses dans un château de privilèges. Ce n’est plus du luxe, c’est du storytelling en gants blancs.
Il serait temps que le luxe, ce mot galvaudé, cesse de se draper dans des récits héroïques alors qu’il piétine les réalités ouvrières. Loro Piana, hier encore parangon du bon goût, est aujourd’hui le symptôme d’un système malade où l’excellence se paie au prix de l’invisibilité.
Alors, une seule question reste : combien d’autres maisons faudra-t-il voir tomber pour que le seigneur des Arnault cesse de régner par l’élégance des apparences ? Le cachemire est doux, certes. Mais, il ne couvre plus rien.
FM