BALENCIAGA FUSION OF STYLE
Le très respectable Pierpaolo Piccioli, qui pendant vingt-cinq ans, a été la figure emblématique de Valentino où il a partagé le poste de directeur artistique avec Maria Grazia Chiuri, de 2008 à 2016, connu pour avoir fait pleurer les podiums avec ses robes romantiques, débarque chez Balenciaga. (l’homme, qui à mon avis, aurait dû être pris par le seigneur chez Dior). Retour sur une erreur historique de la mode, et d’un artiste qui va devoir affronter la mode de Demna et ses baskets taille gondole sur sweat à capuche XXL façon parachute dépressif et trench post-apocalyptique, un défi qu’il pourra aisément remporter.
Il prendra ses fonctions le 10 juillet, le temps de dire adieu aux broderies poétiques et de se préparer psychologiquement à remplacer le tulle éthéré par du néoprène noir délavé. Sa première collection sera dévoilée en octobre à la Fashion Week de Paris, où l’on espère qu’au moins un mannequin ne sera pas habillé comme un survivant de Mad Max.
Il succède au très conceptuel Demna, génie ou usurpateur selon le degré de sarcasme de votre pourfendeur préféré. Pendant dix ans, Demna a élevé le sweat à capuche au rang d’objet d’art et le sac-poubelle à celui de sac à main à 1 800 euros. Grâce à lui, nous avons vu des gens payer pour des vêtements qui semblent avoir été ramassés après une explosion dans un entrepôt.
Kering, maison mère de Balenciaga (et apparemment grand amateur de chaises musicales créatives), a décidé en mars dernier que Demna irait maintenant jouer les sauveurs chez Gucci, autre bastion du bon goût en matière de réanimation stylistique. Une sorte de transfert intergalactique : de la dystopie post-soviétique au maximalisme baroque en burnout.
Piccioli, poète des temps modernes, arrive dans un monde où la boutique ressemble à une friche industrielle, vendant à parts égales des trenchs pour femmes tristes et des bottes pour hommes en crise existentielle. La marque, autrefois discrète, est désormais réputée pour ses slogans énigmatiques, ses proportions défiant la gravité et ses jeans portés au point de faire pleurer n’importe quel tailleur napolitain.
Nous attendons donc avec impatience la fusion des drapés de déesse grecque et des anoraks de la fin du monde. Peut-être une toge fluorescente ou une robe à baskets ? Qui sait ? Une chose est sûre : la mode ne s’ennuie jamais, même lorsqu’il s’agit de sauter d’un pont en tulle noir.
FM