LUXE OU COMMENT DUPER AVEC PANACHE
Bienvenue dans l’âge d’or de la « culture de la dupe ». Le mot « dupe » en français signifie « personne trompée, abusée ou supercherie ». Cependant, son utilisation dans le contexte des produits de consommation vient directement de l’anglais « to dupe » qui signifie tromper, duper, ou faire une copie (Un faux, sans l’intention de tromper sur l’authenticité de la marque, mais plutôt sur l’apparence). Alors que l’industrie de la beauté se perd en débats éthiques sur les bienfaits ou méfaits des imitations, le consommateur, lui, a tranché : pourquoi payer 90€ pour une crème quand son sosie à 9,90€ fait tout aussi bien illusion ?
Pendant ce temps, dans les tours d’ivoire du luxe, on s’indigne : « Mais enfin, copier notre sérum révolutionnaire à base d’extrait rare de feuilles qui ne poussent qu’un mardi sur deux ? Quelle audace ! » Et pourtant, à y regarder de plus près, le consommateur n’est pas dupe. Il sait qu’un packaging doré ne garantit pas l’élixir de jouvence, mais seulement un trou dans le portefeuille.
Post-COVID, alors que le monde entier découvrait que l’on pouvait survivre sans fond de teint à 70 euros, les dupes sont devenues les nouveaux héros du quotidien. Selon une enquête, 43 % des consommatrices ont déjà succombé au charme d’une dupe, et 34 % comptent bien le faire. Traduction : près de 8 femmes sur 10 ont compris qu’elles n’avaient pas besoin de vendre un rein pour se sentir belles.
Et tenez-vous bien : certaines d’entre elles achètent des dupes même en pouvant s’offrir l’original. Sacrilège ! L’idée que qualité et prix puissent ne pas être liés ? C’est presque une hérésie dans le monde feutré des crèmes à trois chiffres. Mais apparemment, les consommatrices ont appris à lire les étiquettes plutôt que les slogans.
Plus inquiétant encore pour les pontes de la beauté : 32 % des consommateurs privilégient le prix à l’innovation. Ce qui, dans le langage marketing, signifie « vos campagnes de storytelling sur la rose cueillie à l’aube sur la chaine de l’Himalaya… font plouf ».
Les temples des dupes s’appellent Walmart, Amazon, Target et oui des supermarchés. Et pendant que les jeunes copient les stars sur TikTok avec du maquillage à petit prix, leurs aînés, eux, dupent les soins de la peau comme des pros. Une révolution silencieuse, où l’on choisit la copie, non par manque, mais par lucidité.
Et puis ironie suprême, plus de la moitié des consommateurs pensent que les dupes font de la pub aux originaux. Un peu comme si acheter une contrefaçon Louis Vuitton donnait envie d’un vrai sac. Quelle ironie pour des marques qui ont longtemps vendu l’exclusivité comme valeur suprême, avant d’être clonées à la chaîne… et de devenir, malgré elles, populaires.
Le luxe se vend encore, certes, mais n’a plus le monopole du rêve. La dupe, elle, vend une vérité simple : on peut très bien se pomponner sans se ruiner. Et ça, les marques n’y avaient pas pensé, mais rassurez-vous, elles y pensent maintenant. C’est probablement pour cela que le seigneur a acheté KIKO, mais aussi avec le cas Polène racheté par LVMH. N’aurait-il pas commencé à ouvrir la voie à l’anti-dupe, le seigneur a toujours un coup d’avance en bon joueur d’échec.
FM