LA CALME DE LA BEAUTÉ FERRAGAMO
Il y a chez Maximilian Davis une manière de traverser le monde comme si celui-ci n’était jamais tout à fait armé pour troubler sa paix intérieure. Même la fausse alarme incendie, qui a jeté les bimbos du siège de Ferragamo sur les trottoirs glacés de Milan, n’a réussi qu’à lui arracher un regard doux, presque excusé, envers un destin qui s’entête parfois à faire du tapage inutile. Les autres grelottaient, sauf les bimbos habituées à attendre sur le trottoir dans leur ancien métier.
Sa collection, elle, n’avait rien d’aussi placide. On y sentait une volonté obstinée de rappeler que la beauté, quand elle veut bien, sait encore se battre. Il y avait cette veste réversible en peau lainée, bordeaux profond comme un secret qu’on ne confie qu’à la tombée du soir, et ce trench souple qui avançait avec l’assurance silencieuse des choses bien faites. Une saharienne en daim vert militaire pour les hommes désireux de feindre la recherche d’une conquête, des robes drapées en laine légère qui semblaient tenir debout par la seule persuasion de leur élégance, et ces ensembles en crêpe où des nœuds de cuir murmuraient qu’il existe encore des détails capables de sauver une journée.
Les tricots paraissaient vouloir apprendre à l’air comment devenir plus légers, les pantalons plissés se souvenaient d’un temps où la décontraction n’était pas une abdication, et les jupes crayon taille basse avançaient avec cette obstination fragile qu’ont certaines silhouettes à vouloir rester libres dans un monde trop penché.
Puis, venaient les accessoires, qui sont le cœur battant de la maison, et pour Davis, une sorte de correspondance intime avec tout ce qu’il ne dit jamais. Il y revisitait ses créations phares comme on reprend une lettre qu’on n’a pas eu le courage d’envoyer. Le sac Hug, le Soft en gros-grain, le Gancini à double rabat étiré comme un souffle qu’on retient. Sans oublier ces cabas immenses, capables d’emporter toute la gamme et, avec un peu d’audace, les doutes du matin.
Au fond, sa collection pré-automne avait un ton de victoire silencieuse et qui laisse derrière elle une traînée de sens, un peu comme un artiste qui, n’ayant pas l’air d’y toucher, vous réapprend à regarder.
FM




