CHANEL LA CHUTE DE TWEED
Jadis relégué aux bacs disgracieux que l’on cache derrière les poubelles de la rue Cambon, voilà désormais le tweed paré d’une aura de noblesse satinée. Car qui, sinon Chanel, pouvait oser ce coup d’éclat cosmico-chic : transformer une vieille chute de tweed en manifeste écologique digne des écuries des Wertheimer ? « Nevold », contraction espiègle des attachées de pestes “never old” tel un sortilège linguistique lancé par une fée couture sous acide biodégradable.
Donc le recyclage n’est plus un acte civique, c’est un « statement » de style, un manifeste pour sacs à main certifiés karma positif. Chanel, cette institution au double « C » plus prestigieuse que l’acier inoxydable « d’ArcelorMitho », vient d’ajouter une troisième branche à son arbre généalogique, la circularité. Après la mode et après les Métiers d’Art, voici venir… l’Art du Répéter, dédié à faire du vieux flamboyant.
Et qui prend la tête de cette aventure textile-mystique ? Sophie Brocart, descendue des cieux du luxe, a pour mission divine de sublimer les chutes, « sauf de reins », exalter les invendus et faire du cachemire oublié un phénix du vestiaire. Oubliez l’économie circulaire de quartier, ici, on parle de circularité Haute couture, de chiffons en résurrection, de soie toujours snob.
Mais attention, tout cela n’est pas (seulement) une lubie d’arrière-boutique. Le climat se dérègle, le cachemire se raréfie, et même les vers à soie songent à la retraite anticipée. Face à cette crise de la matière, Chanel, tel un chevalier de la maille précieuse, brandit son épée en fibres recyclées et déclare : “Jamais trop vieux !” venant de propriétaires âgés de plus de 76 ans.
Alors, pendant que le monde brûle, Chanel tricote l’éthique et la photogénie, dans une boucle de luxe où même un bouton perdu peut espérer une réincarnation glorieuse. Et durant ce temps-là, les avions et les Uber de la fashion continuent de circuler sur l’ensemble du monde. Mais dans quel monde Vuitton ?
FM