BABYLONE HÉRITAGE DE NABUCHODONOSOR

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Babylone, mère des cités et berceau de l’imaginaire, le roi Nabuchodonosor y inventa le code d’Hammurabi, la tour de Babel, la porte d’Ishtar… Autant de noms qui résonnent comme des mythes fondateurs. À eux seuls, ils dressent les contours de l’univers babylonien, cet âge d’or du Proche-Orient ancien où science, architecture, spiritualité et pouvoir s’entremêlaient pour façonner l’une des plus influentes civilisations de l’humanité. B comme Babylone, ville emblématique, cité-monde avant l’heure, dont la renommée survit alors même que les traces matérielles se sont presque entièrement dissoutes dans la poussière du désert.

Une cité colossale et pourtant fantôme, car Babylone s’étendait sur près de 500 hectares, protégée par un système défensif monumental : une triple enceinte de doubles murailles, prouesse technique inégalée pour l’époque. Au cœur de la ville s’élevait la ziggourat Etemenanki, la fameuse tour de Babel, structure sacrée haute d’environ 90 mètres. Illuminée par le soleil mésopotamien, elle dominait majestueusement la plaine, visible à des kilomètres à la ronde.

Et cependant, malgré cette immensité, la ville n’a laissé derrière elle que de maigres vestiges. Construite en grande partie de briques de terre, Babylone n’a pu résister à l’usure du temps. Alexandre le Grand lui-même, qui y mourut en 323 av. J.-C., contribua à son démantèlement. De sa tour titanesque, il ne reste aujourd’hui qu’une empreinte géométrique observable sur les clichés satellitaires, ultime témoignage d’un géant effacé.

Les armées romaines, plus tard, passèrent à proximité sans même la voir : la ville n’était déjà plus qu’un mirage. Les photos aériennes modernes révèlent un sol meurtri, ponctué de trous creusés par des pillards, tandis que les soldats américains stationnés en Irak scrutaient avec étonnement les rares fragments rescapés de cette civilisation-monde.

Un témoin pourtant a traversé le temps avec une aura intacte : la porte d’Ishtar ; l’une des huit portes monumentales de la ville. Elle offrait jadis un spectacle extraordinaire : ses briques vernissées d’un bleu profond, enluminées de frises en bas-relief représentant taureaux, lions et dragons étaient l’incarnation des dieux protecteurs, impressionnait autant qu’elle intimidait.

Arrachée au sol irakien en 1898 et ramenée en milliers de fragments, la porte a été patiemment reconstituée au Pergamon Museum de Berlin, où elle rayonne encore aujourd’hui. Pour de nombreux Irakiens, la voir provoque une émotion déchirante : « Ils éclatent en sanglots », raconte-t-on, face à cette splendeur exilée, tandis qu’à Babylone même, seule une pâle copie accueille les visiteurs.

Babylone, maison de la tech de son temps, longtemps oubliée, fut pourtant une capitale scientifique, administrative et artistique d’une modernité sidérante. Les scribes y inventaient des systèmes d’écriture plus efficaces, les ingénieurs y érigeaient des infrastructures hydrauliques complexes, les mathématiciens y calculaient sur des bases sexagésimales encore présentes dans nos mesures du temps. On pourrait presque dire que Babylone était la Silicon Valley de l’Antiquité, laboratoire où se fabriquaient outils, règles, Sextant et innovations qui allaient structurer notre civilisation.

Je ne peux m’empêcher d’imaginer ces tours hautes d’un kilomètre, dressées dans le désert du Qatar, encore debout dans dix mille ans, tandis que les hommes du futur s’interrogeront sur la raison d’avoir construit de telles hauteurs au milieu d’un territoire cependant si vaste.

FM