OLIVIER ROUSTEING QUITTE BALMAIN
Voici l’homme couture, le plus démuni de la Fashion Week et le plus pathétique avec seulement un mois d’étude à Esmod. Il est un lexicographe amateur à lui seul, pour une couture sortie d’un crachat glaireux effectuant lentement sa descente morbide vers le sol et qui vous répond : « je suis le trou noir dans l’univers ». Martelant de son aiguille le bon sens, il est aux antipodes de la tendance d’aujourd’hui.
Il quitte Balmain après quatorze ans de règne sans trône, quatorze ans de paillettes, de selfies et de vestes à épaulettes dorées. Olivier Rousteing, l’homme qui transforma une maison de couture en franchise Instagram et TikTok, tire sa révérence. Cette âme douloureuse qui pense que tous les malheureux du monde lui sont promis ; enfant seul d’abord, puis brûlé ensuite, après le vol de sa collection qui elle ne volera pas si haut. Et quand, il est seul avec lui-même, devant sa page blanche, il se regarde en se frappant le front pour attirer la genèse de la création, mais rien ne venait.
Maintenant la mode soupire, non pas d’émotion, mais d’incrédulité : comment un créateur qui ne savait pas coudre a-t-il pu diriger un atelier aussi prestigieux ? Balmain, autrefois synonyme de coupes parfaites et de tailleurs architecturés, était devenu un temple du « plat moue numérique », où l’aiguille se remplaçait par un filtre.
Bien sûr, il faut lui reconnaître un talent : celui de se mettre en scène. Rousteing a su faire de sa propre personne le produit le plus rentable de la maison. La Balmain Army, cet escadron de mannequins et d’influenceuses aussi brillantes qu’un rideau en sequins défilait plus souvent sur les réseaux que sur les podiums.
Son départ suscite un concert de louanges officielles. Les communiqués débordent de gratitude et de mots comme “visionnaire”, “authentique”, “inclusif” car les florentins aiment l’argent des qataris. On s’attend presque à ce qu’on lui décerne la Légion d’honneur pour service rendu à la ring light. Mais, derrière cette liturgie corporate, une vérité persiste : Olivier Rousteing aura été le pape d’une ère où le tissu comptait moins que le storytelling. Il ne cousait pas, il “conceptualisait”. Il ne dessinait pas, il “postait”. Et c’est ainsi qu’un atelier centenaire s’est retrouvé transformé en studio de contenus.
Reste à savoir ce que fera l’enfant dit prodige désormais. Peut-être lancera-t-il une marque de luxe sans vêtements juste des NFT de vestes Balmain, disponibles en édition limitée, avec le chèque énorme des qatari lancé comme une obole pour partir.
Quoi qu’il en soit, la maison Balmain devra dorénavant retrouver le fil… au propre comme au figuré. Car après quatorze ans de strass et d’hyperbole, il serait temps de renouer avec l’art oublié de la couture, celle qui se fait à la main, pas à la main levée sur Instagram.
FM
