LE CINQUIÈME ÉLÉMENT CHANEL

Non classé

Hier soir, à Paris, les planètes se sont inclinées. Sous la coupole du Grand Palais, l’univers a retenu son souffle : Chanel venait d’entrer dans une nouvelle ère. Matthieu Blazy n’a pas seulement présenté une collection, il a ouvert un voyage vers un astéroïde. Après des mois de gestation silencieuse, la maison centenaire s’est projetée dans le futur avec la force tranquille d’un astre conscient de sa lumière. La galaxie Chanel renaissait, plus dense, plus vibrante, plus humaine peut-être.

Le décor, un champ de globes suspendus, se reflétant sur un sol noir de pigments célestes, qui évoquait une géométrie des songes. On y reconnaissait l’écho lointain des grandes visions de Karl Lagerfeld : lui avait fait décoller la fusée dans le grand palais, Blazy l’a prise pour partir dans les étoiles.

Et c’est donc à 20 h 14, l’heure de Saturne, que la gravité s’est inversée : Chanel s’est mise à léviter. Le créateur avait promis le dépouillement, il a offert la densité. Finalement, le minimalisme annoncé s’est révélé être une passerelle vers l’essentiel : l’émotion pure, la ligne comme la trace d’une âme nouvelle.

Le premier signe est stimulé par un tailleur-pantalon en laine à carreaux, orphelin de veste, hommage discret à Gabrielle, celle qui, jadis, empruntait les habits d’Arthur Capel pour inventer la liberté. Les chemises, réalisées par Charvet, s’allongent ou se raccourcissent, se froissent de désir et d’élégance : elles dialoguent avec des jupes noires abyssales, des robes écarlates ourlées de plumes qui semblent respirer.

Blazy a retrouvé l’androgynie originelle de Coco et l’a enivrée d’une sensualité nouvelle ; une harmonie de contrastes où l’austère épouse le charnel. Beige, ivoire, noir : la trinité chromatique du mythe est comme une résonance souterraine, le souffle de l’art déco, cent ans après, reprenant vie dans la capitale qui ne dort jamais.

Les mailles deviennent matière cosmique, les textures se hérissent d’invention : paille tissée, papier effiloché, tweed métamorphosé. Les manches s’enflent comme des ailes prêtes à décoller en bombers modernes véritablement stellaires. Et, dans un miroitement doré, une robe-sac suspendue à l’éternité révèle ce que Blazy insuffle : la légèreté d’un monde repensé.

Car ce n’était pas un défilé, c’était un rite de passage, Blazy n’a pas revisité Chanel : il l’a réinventée de l’intérieur, en écrasant les codes pour en extraire la poussière d’étoiles. Et sous sa main, la maison devient non plus un emblème, mais un langage, comme une façon de rêver le monde, encore. Et dans les coulisses, le PDG Pavlova murmure :« Ce soir, Chanel n’a pas simplement brillé; elle a trouvé sa nouvelle orbite ».

FM