BALMAIN ENTRE ST TROPEZ ET MARRAKECH POUR UN SONGE DE MODE
Mercredi soir, Olivier Rousteing présentait, dans la somptueuse salle de bal de l’InterContinental, une ode singulière à la féminité. Sa collection, dépouillée des armures, qui jadis faisaient la gloire de l’« armée Balmain », se laissa caresser par la brise légère du chergui.
Comme au temps où Yves Saint Laurent, dans les jardins ocre de Marrakech, sut transfigurer le désert en palais de couleurs, Rousteing sembla, lui aussi, vouloir retrouver l’élan d’une mode qui respire, qui s’épanche, qui se livre.
Des bustiers aux allures de serviettes enroulées qui avaient fait le buzz au Met Gala, des franges qui s’allongent comme les algues sur les rivages, des coquillages suspendus tels des talismans : toute la collection évoquait les heures bleues de Saint-Tropez, lorsque le soleil s’éteint dans une clameur d’or et que l’ombre des pins parasols étire sur la mer un voile de mélancolie. Là où les élégantes ne cherchent plus à se cuirasser, mais à se découvrir, à laisser le sable, le vent et l’eau reprendre leurs droits sur la parure.
Il y eut, dans cette présentation, quelque chose d’une procession intime, d’un pèlerinage. Les robes de perles et de coquillages rappelaient les offrandes antiques, et un bustier semblable à une améthyste figée dans sa naissance semblait dire que la beauté n’est jamais qu’un éclat fugitif, surpris au cœur de la matière.
Comme Saint Laurent, Rousteing parais avoir trouvé son Orient intérieur. Là où le premier se recueillait dans l’écrin des jardins Majorelle, l’autre se promène en pensée dans une villa imaginaire, aux murs blanchis par « la rose taupe du Caire », rendue aux mémoires délaissées. Dans cette salle silencieuse, l’écho de ses pas résonne comme celui d’un qui ne cherche plus la gloire, mais que la survivance, et moins le tumulte des réseaux, mais le calme solennel d’une intemporalité conquise.
Car, à l’heure où les maisons de luxe se disputent les destins avec la hâte d’un jeu de chaises musicales, Rousteing oppose la constance. Il se sait des plus anciens parmi les jeunes, mais c’est dans cette ancienneté qu’il puise une force. « Ce n’est pas l’armure, c’est la liberté », dit-il comme si, après le tumulte des combats, et la recherche de parent biologique absent, il choisissait enfin la paix du large.
Ainsi s’élève cette collection nouvelle, ample et décontractée, comme une voile gonflée d’espérance, s’élançant non plus vers l’instant, mais vers l’éternité, cette seule demeure où, selon moi, la mode peut encore s’abriter.
FM