DES LOCATAIRES INATTENDUS

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Ils sont venus sans prévenir, ces hôtes aux pas feutrés, discrets, conquérants de ma retraite Bretonne. Non point des visiteurs de passage, mais de véritables locataires du silence, venus peupler mes jours d’une tendre agitation. Et par effraction douce, comme le vent qui s’immisce dans une maison trop longtemps close, ces locataires inattendus ont décidé, sans contrat ni condition, d’habiter mon quotidien.

La première à franchir le seuil, je l’ai surnommée Mini Bimbo. Une frêle silhouette, audacieuse et délicate, aux allures de muse égarée. Elle a ce regard vif, celui de ceux qui ont vu le vieil homme avec une richesse impressionnante de nourriture. Un regard qui m’a désarmé, au point que je lui ai offert, sans l’ombre d’une hésitation, le saumon que je m’étais réservé la veille. Elle l’a accepté avec la grâce d’une reine affamée, puis s’est laissé caresser la croupe comme pour donner son obole, et en un instant, elle est repartie faire la sieste ailleurs, avec un jeune chat, d’où son nom, une vraie bimbo.

Puis, est venu Garage, tout noir, hormis une petite tâche blanche sur son cou, comme un nœud papillon négligemment noué. Un aventurier distrait, qui s’était laissé enfermer dans le garage. Il m’a fallu deux jours entiers à désencombrer les lieux, à déplacer des montagnes de bois, pour enfin l’apercevoir, blotti entre deux poutres. Prisonnier muet, il m’a regardé sans crainte ni reproche, et j’ai compris alors qu’une confiance silencieuse venait de naître.

Un autre, que j’ai nommé Booba, hante les lieux, son jumeau d’ombre et de frayeur. Craintif, fuyant, il observe de loin les agapes de ses frères et sœurs. Mais parfois, bravant sa peur, comme on franchit un Rubicon intérieur, il s’approche timidement pour goûter, lui aussi, à un peu de chaleur.

Enfin, la dernière venue, une petite Smoking, toute menue de grâce. Elle est apparue plus tard, comme un soupir discret, comme une note fine qu’on aurait oubliée dans une partition. Et pourtant, la voici désormais fidèle au poste, courant après la meute comme si elle avait toujours été là, chaton oublié d’une portée de miracles.

Chaque matin, ils m’accueillent comme un roi, comme un sauveur, non, mieux : comme un Messie. Et moi, dans leur regard, dans leurs chants aigus, ils dansent autour de mes jambes, et je sens que l’amour ne miaule pas toujours là où on l’attend. Ce sont mes locataires de cette semaine et je compte bien vous raconter leur histoire ces prochains semaines.

FM : Roi