L’ARNAQUE BUCOLIQUE DE JACQUEMUS

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Combien de temps encore faudra-t-il subir la grande « Commedia dell’arte » rurale de Simon Porte ? Chaque saison, c’est le même rituel d’un poncif qui devient éculé : il nous ressert son catéchisme champêtre avec la ferveur d’un télévangéliste habillé de lin. Une fois encore, voici le vocabulaire de la paysannerie fantasmée, vidée de toute substance, repeinte de couleur crème pour plaire aux foules mondialisées.

Mais, qui croit encore à cette imagerie ? Le créateur ne rend pas hommage à ses origines : il les fétichise. Il ne sublime pas la Provence : il la caricature jusqu’à l’écœurement. Jacquemus, c’est le terroir vendu sous cellophane pour Dubaï, avec l’image de sa grand-mère transformée en moodboard pour asseoir son image marketing. Il n’habille pas : il raconte. Pas des histoires, non, des slogans de pub déguisés en émotion.

La mise en scène est obscène de calcul : un petit garçon blond (parfaitement casté, évidemment) ouvre une grande porte comme on ouvre un destin. C’est du storytelling de bas étage, comme un fantasme de pub Dior pour Noël. Simon ne crée pas des vêtements, il crée « des mèmes » pour Instagram. Son podium n’est pas un espace de mode : c’est une régie publicitaire.

Que dire des vêtements  ? De cette « montée en gamme » prétendue ? Les robe-sacs, les jupes épaisses comme des bâches agricoles, les volumes géométriques sans grâce, il ne compose pas, il empile. Son goût pour les formes massives évoque moins l’élégance que la rigidité d’un déguisement folklorique. La « veste calisson » ? Une blague pâtissière pour influenceurs en mal de contenu. On n’est pas chez Balenciaga, mais dans un bal costumé sponsorisé par L’Équipe Magazine.

Et cette sensualité soi-disant intacte ? Quelques robes avec un peu de mousseline comme pour nous rappeler qu’il sait aussi faire du « féminin ». Mais, tout cela sonne creux. Il n’y a plus rien de sensuel dans cette nostalgie figée, dans cette mélancolie fabriquée à la chaîne.

Jacquemus ne fait pas rêver : il vend du rêve pré-digéré, calibré, marqueté, approuvé par McConaughey et Gillian Anderson, enroulés dans du coton bio et postés à l’heure du pic d’audience. C’est Versailles vidé de son faste, la Provence stérilisée pour un luxe mondialisé d’une pâle copie de Stéphane Rolland.

Qu’il retourne aux champs s’il veut, mais qu’il cesse de travestir ce conte publicitaire. Car ce que Jacquemus vend, au fond, ce n’est ni du vêtement ni du patrimoine : c’est du vide. Certes, beau, léché, mélancolique, mais du vide quand même fabriqué par d’autres et cela se voit.

FM