DIOR HOMME CINQ ANS DE RÉFLEXION
Fashionista et journaleux de la « mole » prenez votre mal en patience, votre vestiaire en otage et votre esprit critique en congé sabbatique : Jonathan Anderson, qui vient d’être nommé chez Dior, nous demande… d’attendre. Pas deux saisons, pas même un an, non, cinq ans d’un suspense aussi haletant qu’une conférence sur la sexualité des fibres textiles durables. Cinq ans pendant lesquels il nous faudra applaudir des vestes à brandebourg déjà digérées par les archives de Galliano, encenser des cravates de notaire Louis XIV, et méditer longuement, très longuement, sur l’absence de direction comme une démarche artistique en soi.
Car, voyez-vous, Jonathan a parlé et il faut écouter. Il ne s’agit plus de juger une collection sur des vêtements, mais sur la promesse d’un futur potentiellement inspirée de la promesse de l’aube. Une sorte de prêt-à-penser spectral, où l’on acclame la silhouette d’une idée embryonnaire de broderie suspendue dans un vide conceptuel à la Jacquemus.
Les critiques devront réapprendre à lire dans le « marc des moodboards », les actionnaires méditeront en lotus sur le bilan carbone d’un corset conceptuel, et quant à nous, pauvres manants, il faudra nous contenter de murmurer des “Waouh” devant des pièces que même le musée Carnavalet refuserait pour cause de redondance historique.
Dior deviendra donc pour cinq ans un laboratoire d’alchimie fashion, dirigé par un apprenti sorcier qui tâtonne entre ses rêves de perruques versaillaises et ses tics de déconstructiviste post-Margiela. Et pendant qu’il “expérimente”, la dame du Châtelet, j’ai nommé Dame Delphine, vestale imperturbable du luxe mondialisé, verrouillera les portes aux journalistes impertinents. Pas de vagues, pas de critiques, pas de voix dissonantes, juste un silence doré à la Corée du Nord.
Mais qu’importe, dans cinq ans, avec son contrat bien ficelé, Anderson partira en paix avec un parachute en cachemire et de nouvelles idées pour sa marque perso. Et nous, pendant ce temps, on aura applaudi l’invisible, béni le flou et regardé Dior se prendre pour une école doctorale de la vacuité créative.
Une collection finalement plus « Tie que Beau », plus concept que couture, plus gloubi-boulga que bar jacket, mais quand même bonne chance a Anderson, car la chance est la forme laïque du miracle.
FM