VUITTON POGNON POPELINE ET PATRIMOINE
Le jeu de la dame de corps est sans doute le seul jeu de société où l’on peut perdre sa dignité avant même d’avoir lancé un dé. Inspiré de la cour de Versailles (mais avec plus de corsets et moins d’hygiène), ce jeu consiste à manipuler des intrigues, du parfum empoisonné et des éventails assassins pour devenir le favori du Seigneur ou au moins éviter les oubliettes.
Voici donc le nouveau Dupe de la couture, et il ne fait pas dans le détail, le Pharrell, en dépit de la myriade de procès pour contrefaçon qui lui collent aux semelles comme les attachés de peste du luxe, continue à faire son show. C’est dans le cœur palpitant de Paris, et dans un entrelacs de ruelles, souvenirs de pulsations anciennes, non loin du siège LVMH ce quartier, autrefois ventre vibrant de Paname, a conservé dans ses pavés un souffle d’histoire, comme si chaque pierre murmurait encore les cris des marchands du temple et les pas pressés des amoureux nocturnes.
Aujourd’hui, Les Halles séduisent autrement, et les terrasses, un peu bohèmes, un peu bruyantes aussi, accueillent les confidences, de fin d’après-midi, de la librairie belges qui pose un voile de poésie sur ce cœur urbain en perpétuel mouvement. Les Halles, c’est un entre-deux : entre le passé et demain, entre le béton et l’émotion, entre la foule et l’intime. Un lieu où l’on peut aimer en silence ou rire à pleine à voix, selon l’heure et selon le cœur.
Mais voici l’ouverture en fanfare du « musée » de la maison des Dupes, présenté sur le parvis du centre Goerges Ponpidou, avec son cortège de flashs, d’influenceuses filtrées, et de selfies plus travaillés qu’une robe de bal, devant un musée fermé comme une coquille vide pour un storytelling plein, je remercie au passage le Seigneur.
Mais ce n’est pas là que le bât blesse le plus. Non : c’est l’impact écologique d’un défilé organisé en plein cœur de Paris, avec des tonnes de matériel importés, des camions, des générateurs, une pollution invisible, mais bien réelle le tout pour que quelques privilégiés puissent venir s’exhiber avec l’arrogance de ceux qui se prennent pour l’avenir du style. A cela, il faut ajouter l’arrivée en Rolls Phantom, pour singer Karl, de la star Williams qui ne peut pas marcher 200 mètres depuis le siège Vuitton, mais pour lui, c’est comme faire la queue au drive d’un fast-food garé devant la Comédie-Française.
Pendant ce temps, dans les méandres parallèles de la rue Saint-Denis, les bimbos, elles, sont aussi mises en scène et se dirigent vers le podium, mais traversant le Boulevard « Sébastopol » encore une histoire de coucherie, elles sont approchées par des hommes qui, sans ambages, leur demandent le prix d’une heure de leur expertise. Un miroir inversé du glamour officiel, une scène crue, réelle, où la valeur d’un corps n’a pas besoin de strass ni de sponsor. Et mobiliser un service de sécurité aussi important pour un défilé rempli d’influenceurs, c’est comme poster des gardes devant une vitrine de pacotille. Et là, le mot est lancé sur la collection, un « Paco Piti Homo parisien ». Mais, les dés ne trichent-ils jamais, parce qu’ils ont trop peur de finir… jetés ! A bon entendeur, salut.
FM