UNE ÉPOQUE FORMIDABLE

On vit une époque formidable de cynisme, de décadence et de foutage de gueule assurément. Prenez Kris Jenner, la mère de la Karda-Chiante 70 ans, officiellement, avec un look d’à peine 30 ans. On n’est plus dans le lifting, là, on est dans la distorsion temporelle de la chirurgie quantique à remonter le temps. Elle ne vieillit pas, elle « reboot ». Elle est le prototype transhumaniste d’un cauchemar post-capitaliste où le vieillissement devient une tare sociale.

Pour ce miracle de jouvence, une dizaine d’interventions high-tech que seules des fortunes obscènes peuvent s’offrir. Un visage repassé, des yeux réouverts à la tronçonneuse esthétique des thérapies, dont même le nom vous colle une migraine… Et tout cela servi comme si c’était un soin hydratant de la maison du Seigneur, Sephora. Allez-y, braves gens : à vous aussi, l’éternelle jeunesse, pourvu que vous ayez quelques centaines de milliers de dollars et un bon seuil de tolérance à la douleur.

Et pendant qu’on s’extasie sur ces zombies botoxés à Cannes, la farce continue. Lauren Sanchez, fiancée du seigneur Bezos lui-même, reçoit un prix pour son engagement écologique. Cela aurait pu sentir le roussi dès la remise de trophée, parce qu’elle est arrivée comment la messagère de la planète verte ? À dos de licorne ? Non. Sur un yacht à 500 millions, un monstre flottant qui crache 2.000 litres de diesel à l’heure comme un dragon enrhumé et pollue plus que mille cinq cents SUV dans un embouteillage parisien. Un prix écolo remis à bord d’un navire de l’apocalypse. Même Orwell aurait eu du mal à l’inventer.

Et pour couronner ce théâtre de l’absurde, l’ultime chef-d’œuvre : un type vend une sculpture invisible à 18.000 dollars, du vide pour « des Néants total ». Et quelqu’un l’achète, mieux encore : des milliers en redemandent. On est au-delà de l’arnaque, on touche à la métaphysique de l’idiotie contemporaine. Le summum de l’art spéculatif où plus c’est creux, plus c’est bankable. Et les commentaires en ligne, entre ceux qui veulent « le même gratuitement » et ceux qui l’élèvent au rang de génie. La seule chose invisible dans cette histoire, c’est la dignité intellectuelle.

Bienvenue dans l’ère où le faux est roi, le vide est cher, et l’absurde est décoré. Oui, vraiment, « on vit une époque formidable » si on est milliardaire, aveugle, cynique… ou complètement déconnecté de la réalité.

FM