L’HISTOIRE D’UNE FIDÉLITÉ LUXUEUSE
Tout commence un samedi. Dans une rue élégante de Belgravia, Motcomb Street n’abrite alors qu’une seule boutique, Jimmy Choo, minuscule épicentre d’une marque encore jeune. Hannah Colman y vend des chaussures le week-end, sans imaginer que cet espace feutré deviendra le point zéro d’une histoire de plusieurs décennies.
Les permanences du samedi se transforment progressivement en responsabilité quotidienne. Elle apprend la marque par le geste, par l’écoute, par les clientes qui entrent, hésitent, reviennent. La boutique devient son laboratoire. Lorsqu’elle en prend la direction, elle connaît déjà chaque détail, chaque attente, chaque promesse silencieuse contenue dans une paire de souliers.
Les années passent et le périmètre s’élargit. Des vitrines de Londres aux marchés internationaux, Hannah Colman accompagne la croissance de la maison comme on accompagne un être vivant. Elle traverse les strates de l’organigramme, prend en charge des territoires entiers, puis le commerce numérique mondial, tout en conservant cette mémoire du terrain qui ne s’enseigne pas. À la suite du départ de Pierre Denis, elle assure la transition et, en 2020, s’installe durablement à la tête de l’entreprise.
Sous sa direction, Jimmy Choo change d’échelle sans renier son allure. Les chiffres s’envolent, atteignant 605 millions de dollars en 2025, mais l’essentiel se joue ailleurs. Dans l’ouverture de nouvelles boutiques, dans la silhouette d’une actrice sur un tapis rouge, dans l’apparition de nouveaux objets du désir, les chaussures restent le cœur battant, mais autour d’elles se déploient sacs, licences et extensions qui redessinent la maison sans la dénaturer.
À l’approche de ses trente ans, que la marque célébrera en 2026, Jimmy Choo conserve quelque chose d’intime. Une façon de fonctionner héritée des débuts, presque familiale, malgré l’adossement à un grand groupe. Cette continuité tient beaucoup à celle qui l’a vue naître de l’intérieur.
« J’ai grandi avec cette marque », confie-t-elle. « J’en connais les réflexes, les attentes, les silences. J’ai commencé en boutique, au contact direct des clients, et je n’ai jamais voulu perdre ce lien. Je continue à passer du temps avec eux, car c’est là que tout commence et que tout se vérifie. »
Le récit de Jimmy Choo pourrait se lire comme celui d’une maison de luxe parmi d’autres. Mais, en filigrane, il raconte surtout une fidélité rare, celle d’une femme à une marque, et d’une marque à ses origines.
FM
